Incidence des placements ESG sur les sociétés

On pourrait soutenir que la récente adoption d’une proposition d’actionnaires de la société américaine de commerces de détail Kroger est un signe des temps. La proposition, présentée par la société de placement durable Arjuna Capital, demandait la production de rapports sur les écarts de rémunération entre les sexes et les races.

Cette « victoire » est conforme à l’intérêt croissant pour l’investissement responsable, une approche de placement dans le cadre de laquelle l’investisseur intègre des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans ses décisions de placement. La croissance de l’investissement responsable est, en fait, un prolongement naturel de la sensibilisation accrue des investisseurs, dans laquelle les préoccupations liées à des enjeux comme les changements climatiques, les droits des travailleurs et l’équité ont une incidence sur les décisions de placement dans l’ensemble des catégories d’actif.

Favoriser les changements en matière d’équité salariale entre les sexes et les races

Grâce au soutien de 51 % des investisseurs, le succès de la proposition des actionnaires de Kroger est sans aucun doute une déclaration importante, étant donné que la plupart des propositions de cette nature arrivent à peine à atteindre 50 % (des propositions d’actionnaires semblables d’Apple et d’Amazon ont été rejetées). Elle survient également à un moment où un nombre croissant d’entreprises, dont Home Depot et Target, se sont engagées à produire des rapports sur l’équité salariale.

Étant donné que l’égalité est une question brûlante et qu’un rapport de 2021 de Statistique Canada indique que les femmes gagnent en moyenne 11 % de moins l’heure que les hommes, ces demandes ne sont pas vraiment surprenantes. En fait, les propositions liées aux écarts de rémunération entre les sexes et les races comptaient parmi les principales demandes des actionnaires en 2023, déclare Danna Broadworth, directrice, Stratégie clientèle, Investissement responsable, BMO Gestion mondiale d’actifs.

En appuyant la proposition de Kroger, les investisseurs demandent essentiellement « une meilleure divulgation de la stratégie de la société en matière de promotion des possibilités pour les femmes et les minorités raciales et ethniques », explique Mme Broadworth. Leur action les aide à bénéficier d’une main-d’œuvre motivée, engagée et correctement rémunérée, et leur permet également d’atténuer les risques liés à l’attention croissante portée par le public aux questions d’équité salariale entre les sexes et entre les groupes raciaux et ethniques.

Quels sont les facteurs ESG qui influencent les décisions de placement?

Mais ce vote de Kroger encouragera-t-il les sociétés canadiennes à être plus conscientes de leurs disparités salariales? Aura-t-il une incidence plus importante? Et peut-il influencer les autres à intégrer les facteurs ESG dans leurs choix de placement? « L’adoption de la proposition pourrait avoir un effet sur la divulgation à l’avenir, déclare Mme Broadworth. Cela pourrait, à son tour, inciter les organismes de réglementation à rendre obligatoire ce type de divulgation ou pousser les sociétés à le faire volontairement, même si ce n’est pas obligatoire. »

La transparence est essentielle, selon Gustavo Bernal Torres, vice-président de l’intégration des facteurs ESG de l’équipe Investissement responsable de BMO Gestion mondiale d’actifs, qui ajoute que des lois sur la transparence salariale existent déjà dans certains États américains, comme la Californie et New York, tandis que le Royaume-Uni, le Danemark, la France et l’Allemagne exigent la publication des écarts de rémunération entre les sexes.

À ce jour, aucune proposition relative à l’écart de rémunération entre les sexes n’a été déposée par les actionnaires au Canada. Mais l’histoire de Kroger pourrait en encourager plus d’un à franchir le pas, estime Mme Broadworth, qui note l’existence d’un précédent : des propositions demandant des vérifications de l’équité raciale, populaires aux États-Unis depuis quelques années, ont récemment été déposées par des actionnaires de sociétés canadiennes.

Dans le même ordre d’idées, Canadian Tire a récemment annoncé qu’elle avait amélioré la diversité des genres, de sorte que son conseil d’administration compte désormais plus de 30 % de femmes. Bien que de nombreuses sociétés canadiennes aient fait de même, BMO Gestion mondiale d’actifs a joué un rôle en encourageant ce grand détaillant à prendre cette mesure importante, explique Mme Broadworth, en ajoutant que son équipe travaille avec le 30% Club Canada, un groupe d’investisseurs qui parlent à des sociétés afin qu’elles augmentent leur proportion de femmes au sein des conseils d’administration à au moins 30 %.